L'Attaque du Calcutta Darjeeling by Abir Mukherjee

Auteur:Abir Mukherjee
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Liana Levi
Publié: 2019-06-15T00:00:00+00:00

20

Il n’y a pas de fenêtre à l’arrière de l’ambulance. Sen est étendu sur une civière les yeux fermés, il grogne de temps à autre. Sa peau est grise mais sa respiration est moins irrégulière qu’avant. Tant mieux. Ce serait dommage qu’il soit mort avant que nous puissions le pendre.

Un ambulancier indien le panse un peu trop tendrement, j’essaie de ne pas le gêner et je m’occupe de mon bras blessé. J’ai la tête qui tourne. Probablement la combinaison d’hémorragie et de manque de nourriture. À ce stade, même la cuisine de Mme Tebbit aurait un certain attrait, pas autant qu’une dose d’opium cependant.

Quelque part sur le trajet je perds connaissance. Finalement je sens le chaos rythmique qui indique que nous traversons le pont sur le Hooghly.

Nous atteignons le Medical College Hospital peu avant dix heures. Quelqu’un a dû annoncer notre arrivée car un groupe important nous attend, dont une demi-douzaine de membres du personnel médical et un détachement de police armé. Deux ambulanciers indigènes, impeccables en chemise et pantalon blancs, déposent doucement Sen sur un chariot. Un médecin blanc lui prend rapidement le pouls, puis il lui ouvre les paupières avec le pouce et l’index et lui envoie de la lumière dans chaque œil pendant qu’une infirmière note ses informations.

Le médecin se tourne vers moi et tend la main. C’est peut-être à cause de la perte de sang, mais je n’ai aucune idée de ce qu’il veut. Suis-je censé le payer ? C’est l’habitude ici ? Je sors de ma poche ce qui reste d’un billet de dix roupies trempé. Mon séjour dans le canal en a fait à peine plus que de la bouillie. Je le lui tends d’un air confus.

Il me regarde comme si j’étais idiot.

« La clef, dit-il fermement. Vous êtes toujours menotté au patient. À moins que vous n’ayez l’intention de l’accompagner en salle d’opération je vous suggère de me donner la clef pour que je puisse lui enlever la menotte. »

J’obéis. Le médecin libère prestement le poignet de Sen et me rend les menottes avec les débris de mon billet de dix roupies. L’équipe médicale prend rapidement Sen en charge et une troupe de blouses blanches le transporte à l’intérieur, suivie par les gardes. Le défilé terminé je me retrouve soudain seul. L’exaltation de la poursuite et de la capture de Sen s’est vite dissipée et maintenant je suis ici, mouillé, et je saigne. La qualité de l’accueil des héros laisse à désirer.

Je regarde autour de moi. L’ambulancier est en train de fumer adossé au mur. Il me regarde d’un air maussade m’approcher de lui.

« J’ai besoin de faire examiner mon bras. »

Il éteint sa cigarette et jette le mégot.

« Venez avec moi, sahib. »

Je le suis dans le hall de l’hôpital, nous passons des portes battantes et suivons un long couloir faiblement éclairé, ses chaussures crissent sur le sol carrelé. Une odeur suffocante de désinfectant me prend à la gorge. Quelqu’un s’en est servi avec libéralité, comme un prêtre de l’eau bénite pour chasser la maladie.

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